Notre association Bretagne Vivante, reconnue d’utilité publique est composée d’un réseau de naturalistes mais aussi de citoyens qui s’investissent dans la protection de la nature.
Nos bénévoles et salariés chargés de mission apportent une expertise à la fois scientifique, technique et juridique et couvrent de nombreux domaines environnementaux dont celui du littoral et du milieu marin.
Dans le contexte d’une nouvelle réglementation dont la parution d’un arrêté préfectoral autorisant la pratique du chalutage de fond doté de 4 panneaux, Bretagne Vivante dénonce une régression réglementaire.
Nous saluons l’effort du Comité Régional des Pêches Maritimes et des Élevages Marins de vouloir clarifier les ambiguïtés qui permettaient jusqu’à aujourd’hui d’assimiler les chaluts 4 panneaux à des chaluts de fond qui sont eux autorisés à fréquenter la bande côtière. Mais nous dénonçons fermement que cette ambiguïté subsiste.
La définition « réglementaire » des chaluts de fond dotés de 4 panneaux correspond à un chalut de fond. Mais leur utilisation « réelle » correspond à une pratique pélagique (c’est-à-dire dans la colonne d’eau) sans qu’il soit possible de la remettre en question d’un point de vue réglementaire. » (Cf site du CRPMEM BZH)
De fait, la présence de navires utilisant des chaluts de fond dotés de 4 panneaux (dont deux « élévateurs ») provoque des tensions au sein de la profession liée à cette limitation technique.
« Au-delà des divergences d’interprétation quant aux définitions en vigueur dans le droit, il en résulte des litiges entre pêcheurs dans le sud du Cap Sizun, et plus récemment dans le secteur des Glénan. Ces litiges concernent :
Afin d’y remédier, les comités des pêches bretons ont élaboré depuis fin 2024 une solution afin de compléter la réglementation existante. Il s’agit de contraindre l’ouverture verticale des chaluts concernés, à travers une disposition technique très spécifique : limiter la longueur des tétières à 12 mètres, voire 8 mètres en cas notamment d’utilisation de chaluts de plus de 2 panneaux (voir schéma ci-dessous).
Il est relaté dans le document comme motifs de la décision : “Cette disposition vise à contraindre plus fortement les capacités d’ouverture verticale des chaluts dans le cas d’utilisation de plus de deux panneaux favorisant la capacité du chalut d’opérer dans la colonne d’eau à la manière d’un chalut pélagique.”
Or une tétière de 12 mètres ou de 8 mètres permet une grande ouverture verticale du chalut pour travailler à l’évidence dans la colonne d’eau.
Cette régression réglementaire nuit gravement au partage de la ressource vis à vis de flottilles de la petite pêche côtière strictement inféodées à la mer territoriale.
En effet, les chalutiers pélagiques adaptés pour la pêche plus au large n’étaient pas autorisés à pêcher en deçà de la ligne des 9 milles de nos côtes depuis 1978. La chalutage pélagique est toutefois autorisé dans cette bande des 9 milles seulement pour la capture de poissons bleus (sardines, sprat..). A noter que de nombreux secteurs sont totalement exclus au chalut pélagique*.
Le chalut de fond est lui interdit dans une zone plus restreinte : la bande des 3 milles. Il y a donc un sérieux enjeu à qualifier tel ou tel type de chalut en pélagique ou de fond. Ici, est tout le débat pour les professionnels, car désormais, il serait possible de pêcher le long des côtes du Finistère pour les chaluts à 4 panneaux.
Aussi, nos associations soulignent que nous sommes dans une réglementation nationale, accords entre pêcheurs basés sur la Politique commune des pêches et non pas sur une politique de protection de l’environnement marin.
A savoir que la réglementation relative aux caractéristiques des engins de pêche et à leur usage relève de la politique des pêches (PCP). Or la finalité de la PCP est la bonne gestion de la ressource halieutique pour assurer la durabilité de l’activité de la pêche. Nos associations soulignent l’importance de la protection de l’environnement marin à distinguo de la protection de la ressource.
De plus en termes de réglementation nationale, nous constatons que :
– l’usage des filets remorqués est interdit à moins de trois nautiques de la laisse de basse mer (art D922-16 du code rural et de la pêche) mais l’article D922-17 du même code prévoit une dérogation possible en fonction de la hauteur d’eau et des risques pour la ressource. De fait, la finalité de ces décrets n’est en aucun cas la protection de l’environnement. L’interdiction de l’usage des filets remorqués dans les trois nautiques devient l’exception et est régie par les accords entre les différents types de pêche, validés ensuite par l’administration.
– les accords entre pêcheurs visent exclusivement à se répartir l’exploitation de la ressource entre les différents types de pêche.
Les “tables de la loi” en ce domaine sont toujours les accords dits Pellerin (du nom de l’adjoint de la direction des affaires maritimes « Bretagne Vendée de l’époque »), socle fragile sur lequel repose la paix sociale entre pêcheurs. De ces accords Pellerin, il résultait l’interdiction, hormis pour quelques espèces spécifiques, du chalut pélagique dans la zone des 9 nautiques à partir de la laisse de basse mer.
Au delà de l’ambiguïté de la qualification réglementaire chalut de fond / chalut pélagique, ce qu’il convient de comprendre c’est la position à adopter sur une forme d’encadrement donc de légalisation même limitée de l’usage du chalut pélagique sous toutes ses formes (variantes y compris du chalut de fond) dans la bande des 3 à 12 milles (cf. les accords Pellerin), indépendamment des dérives constatées sur le terrain depuis des années.
A ce titre, Bretagne Vivante tient à rappeler l’importance de la bande littorale marine participant à l’équilibre et au repeuplement des océans ainsi qu’au maintien de la richesse écosystémique. Il est donc primordial d’interdire l’utilisation de techniques destructrices pratiquées de manière intensive, au bénéfice de la reconstitution des écosystèmes côtiers, la bande côtière étant reconnue scientifiquement comme zone de nourricerie, il en revient de la responsabilité de tous.
Notre association, de fait, s’inquiète de la parution de cet arrêté, des décisions et orientations réglementaires prises par le comité des pêches, la DIRM et nos préfets finistérien et maritime dans la bande côtière.
Bretagne Vivante apporte son soutien aux démarches des Ligneurs de la Pointe du Raz et de Pêche Avenir Cap-Sizun tout en interpellant sur les causes de l’érosion de la biodiversité marine et du bon fonctionnement des écosystèmes marins.