J’ai exercé la médecine de campagne pendant quatre décennies sur les riches plaines de la Brie Champenoise.
Au fil des années, sur ces terres de cultures extensives, j’ai observé l’appauvrissement inexorable de la biodiversité, avant de prendre ma retraite dans le Clos-Poulet, au bord de la mer. Je réalise là mon plus beau rêve d’enfant.
Pour décider de la meilleure manière d’occuper les journées de ces perpétuelles vacances, je décidai d’aller visiter le forum annuel des associations de la ville de Saint-Malo, où deux charmantes bénévoles de Bretagne Vivante surent me convaincre d’acquitter une modeste cotisation en échange de nombreuses activités exaltantes sur le terrain, diurnes et nocturnes.
C’est ainsi que je deviens bénévole à l’antenne Rance-Émeraude. J’y fus chaleureusement accueilli, et l’on me convainquit aisément qu’avec quelques lectures judicieusement choisies et de nombreuses sorties sur le terrain, je saurais trouver ma place dans les équipes !
Et le tourbillon fut !
Réunions, formations et visioconférences me prouvèrent que le travail bureautique n’épargne pas le naturaliste. Pourquoi diantre serait-il le seul à en être exempté ?
Je sortis sur le terrain de la nuit noire du petit matin à la nuit tombée. J’admirai les levers de soleil, la brume du matin sur les landes ou les marais, les embrasements du ciel, les nuages, les orages, les pluies battantes, les soleils de plomb et les brouillards sournois.
Je comptai les passereaux et les limicoles, guettai les Marouettes à la repasse, recensai les nids des goélands, casqué, sous les piqués furieux et les bombardements de fientes, j’inventoriai les amphibiens, bercé par les chants hypnotiques des Chouettes hulottes ou des Pélodytes ponctuées. J’alternai les longues marches dans les herbus, les débarquements acrobatiques sur les îlots, les longues heures à patauger dans les mares et les prairies humides, je m’inquiétai des enfoncements improbables dans la slikke de la baie du Mont Saint-Michel, et jamais ne regimbai aux cheminements inquiets entre les cratères furieusement dessinés par les bombes sur l’île de Cézembre.
Je fis la connaissance de nombreux naturalistes, aussi savants que patients, ainsi que d’oiseaux, invertébrés, amphibiens, mammifères terrestres ou marins, sur le terrain comme dans les livres. Je me suis initié à la botanique, à la faune et à la flore de l’estran, à la taxonomie, aux écosystèmes et à leurs interactions complexes, aux espèces envahissantes, aux associations d’espèces, aux dunes et à leurs plages, aux cours d’eau et à leurs nappes, aux cycles de l’eau et de l’azote, à la brutalité d’Homo sapiens et à la fragilité de toutes ces merveilles…
Puis je me suis assis, après 3 ans de ce « travail » pour comprendre pourquoi il me plaisait tant.
Je répondrai à cette question par trois simples mots : émerveillements, partages et biodiversité.
Tout est là !