Bretagne Vivante émet un « Avis défavorable » au projet de décret fixant les règles et procédures applicables à la destruction de haies. Nous suivons en cela l’avis du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN) très argumenté.
Pour renforcer notre position, et celle de nombre de citoyen.ne.s, vous êtes invité.e.s à déposer à cette consultation ouverte à tous. Nous vous proposons ci-dessous quelques éléments pour compléter l’argumentation de votre « Avis défavorable ». Ces éléments, à caractère écologiques et naturalistes, s’appuient sur les documents joints à la consultation (accessibles depuis la page d’accueil de la consultation. L’avis du CNPN fait partie de ce lot de documents).
La volonté de simplification administrative conduit à une réduction écologique du sujet : le bocage est traité comme un simple alignement arboré, sans prise en compte de sa structure (arbres, arbustes, strate herbacée, talus), de sa dynamique ni de ses interactions paysagères.
Le texte juxtapose objectifs de protection et procédures de destruction, créant un cadre contradictoire qui ne garantit pas la conservation des continuités écologiques.
Les éléments naturalistes sont quasi absents : aucune typologie des haies, aucun rappel de leur rôle dans la trame verte, leurs fonctions hydrologiques, microclimatiques, ou leurs contributions à la biodiversité ordinaire et patrimoniale.
L’absence de définition fonctionnelle de la haie (haie arborée, arbustive ou simples fourrés, talutée ou à plat, ourlets, lisières…) traduit une méconnaissance du gradient écologique réel présent dans les réseaux bocagers.
Les bocages sont des écosystèmes complexes : refuges à insectes, corridor pour les chiroptères, zones d’hivernage, ressources trophiques, structures culturales historiques. Leur valeur n’est pas prise en compte dans les critères du décret.
Distinguer « haie remarquable » et « haie banale » n’a pas de sens écologique à l’échelle du réseau bocager : sa fonctionnalité découle du maillage complet, pas de quelques éléments isolés.
Les régimes de déclaration / autorisation sont peu lisibles. L’unique critère explicite, présence d’espèces protégées, ignore la biodiversité discrète ou difficile à détecter, comme les invertébrés saproxyliques (qui vivent dans le bois en décomposition), ou les espèces saisonnières.
Le texte induit une logique dangereuse : pas d’espèces protégées détectées = haie banale = destruction plus facile. Cela ignore les limites des prospections, les variations saisonnières et la complexité des communautés faunistiques et floristiques.
L’évaluation écologique de la haie est laissée dans le flou : méthodes non précisées, absence de protocole standardisé, pas de référence à l’écologie du paysage.
La séquence Éviter – Réduire – Compenser (ERC) est tronquée : seule la compensation est évoquée. Les étapes d’évitement (cartographie fine, recherche d’alternatives) ne sont pas exigées.
Les mesures de compensation reposent quasi exclusivement sur des plantations, sans considérer la régénération naturelle, les dynamiques de recolonisation, ni la valeur patrimoniale des talus anciens. On confond recréation de linéaire et restauration fonctionnelle, ce qui est scientifiquement infondé.
Compenser un linéaire par un linéaire est une approche quantitative mais pas qualitative : âge, largeur, structure, réseaux racinaires, sols associés, communautés animales et végétales originales et complexes, continuités ne sont pas reproductibles à court terme. Le gain écologique n’est pas démontré.
Les contraintes du calendrier d’intervention ne mentionnent que les oiseaux, ignorant totalement les cycles biologiques des chauves-souris, insectes, reptiles, amphibiens et plantes. Approche insuffisamment naturaliste et systémique.
Le décret semble surtout pensé pour les aménageurs dotés de bureaux d’étude, et peu applicable aux agriculteurs, pourtant au cœur de la gestion des haies.
Les sanctions et contrôles ne sont pas précisés : pas de garantie de protection réelle.
Enfin, l’« avis favorable » automatique en cas d’absence de réponse administrative constitue un risque évident pour la biodiversité et devrait être inversé en « avis défavorable ».
En résumé
Le projet de décret méconnaît les réalités écologiques des haies et du bocage, manque de rigueur scientifique et affaiblit fortement la protection des haies. Il ouvre la voie à des destructions difficilement compensables et contraires à la conservation des continuités écologiques.
Le projet de décret encadrant la destruction de haies est actuellement soumis à consultation publique. Bretagne Vivante rend un avis défavorable, suivant l’analyse très argumentée du CNPN. Pour protéger le bocage et la biodiversité qu’il abrite, nous invitons chacun à déposer son propre avis avant la fin de la consultation.